samedi 25 avril 2009

Histoire courte I

L'homme est assis là tous les jours aux même heures. Il attend les yeux fixés sur cette petite maison aux fenêtres condamnées. Autour, c'est le néant. Trou béant, engin de chantier, béton et ferrailles. Autour c'est le néant; plus d'habitant, aucune boutique, des immeubles vidés et dépouillés. De sa fenêtre, elle le voit et l'observe souvent. Et à chaque fois, une boule dans la gorge lui fait monter les larmes aux yeux. Elle pourrait, elle devrait le rejoindre, le lui dire, le raisonner. Elle connait toute l'histoire, elle porte ce secret, cet encombrant fardeau qu'elle devrait raconter.

Un jour ils sont venus. Elle ne l'a plus revu. A sa fenêtre à présent, elle observe la foule qui s'affaire au pied de ces immeubles de bureaux tout flamboyants. La nuit le quartier se vide. Plus de vie, un calme bien pesant. Parfois, elle regarde les photos, celles d'avant, celles de cette maison dont on a enterré tous les souvenirs, celle de ce quartier plein de vie et de chaleur. Quelques larmes coulent sur ses joues.

Plus tard elle a su. Un an aura suffit au vieil homme pour rejoindre les siens après avoir érrer de foyer en foyer, de rues en rues. Comme seul effet personnel, une photo jaunie et souillée. Sur celle-ci, une maison, la maison et cet homme, son fils en habit de militaire. Le dernier sourire, le dernier souvenir heureux avant cette guerre, avant que les promoteurs immobiliers ne viennent tout saccager et réduire à néant un homme comme tout le monde.

Elle aurait du lui dire qu'il ne reviendrait pas, elle aurait du lui dire qu'il ne pourrait plus vivre ici, qu'il devait partir. Mais dans le quartier, ça ne se fait pas de se mêler des affaires des autres.


1 commentaire:

Kat Imini a dit…

Je t'envoie juste en signe de remerciement la chair de poule sur ma peau...