jeudi 25 juin 2009

Absorbtion


D'un bâillement
j'inspire tes cellules
j'absorbe tes globules,
je m'abreuve de ta peau
et me noie de tes eaux

D'un bâillement,
je t'expire sur mon lit
je te crache sur ma vie
je te livre dans mes lieux
pour partager nos cieux

inspiration
expiration
j'ai bien tout absorbé
j'ai bien tout déposé
et pourtant
Coincés au fond de moi
dans ma gorge, dans mon ventre
des petits bouts de toi
dans ma chair, dans mon antre
bien mélangés à moi.
Je les garde, les digère
et t'offre sans retenue
mes bouts dont je suis fière

mercredi 24 juin 2009

Réfugiée



Je suis l'étrangère réfugiée amoureuse,
Qui parcoure affamée, tes sentiers sans papier.
Nul besoin de guide, pour trouver ta contrée
Je savoure tes lieux, ballade délicieuse.

Je suis le visiteur, imprévue de tes jours,
Qui m'engouffre à toute heure, sur tes routes infinies.
Une douane défiée, aux frontières de nos vies
Plus aucune limite, à la course à l'amour.

Nous sommes déserteurs, des chemins imposés,
Et nous voilà campant, sur notre pré d'amour
Position de nos êtres, pour déjouer tous les tours
Qui voudraient essayer, de nous décourager.

lundi 15 juin 2009

Paysage balconique

Photo : Sophie.P

Assis sur le balcon, il regarde le monde,
qui roule, qui marche, qui fait sa ronde.
Il amasse les images et des traces d'odeur
qu'il entasse dans ses yeux aux multiples couleurs.
Petit monde à sa porte, paysages urbains
d'où se battent des arbres oubliés des humains
Assis sur ses pensées, il observe la vie
qui se joue sous ses fenêtres, juste là, juste ici
Il remplie ses espoirs de partager bientôt
ce spectacle de rue non plus seul comme un sot
Petit monde à ses pieds, rencontres imprévues
d'inconnus et connus qui s'offrent à sa vue.

lundi 8 juin 2009

Histoire courte VI

A deux pas de la porte de ses parents, elle se tenait, là, debout et immobile. Il lui avait dit de ne pas bouger, qu'il ne voulait plus l'entendre. Alors elle obéissait, et tentait même de contrôler sa respiration pour se faire oublier. Oui, se faire oublier, disparaître à jamais, ne plus exister ! Tel était son désir à ce moment précis. Partir, fuir et ne plus revenir. Les quitter, s'effacer de ce monde sombre et triste. Et puis les oublier, eux ! Perdre la mémoire, effacer les souvenirs et se jeter dans le lac pour noyer les images et les sons.

La prochaine fois, elle fera attention, la prochaine fois il n'y en aura pas de prochaine fois puisqu'elle fera tout pour que ça n'arrive plus. Elle se le promettait.
Ses bras étaient maintenant devenus bien lourd, très lourd et ses mains aplatissaient de plus en plus son crâne au point qu'elle eut l'impression que ses pieds s'enfonçaient petit à petit dans le sol.
Combien de temps était-elle restée là immobile ?

Elle entendait à présent à travers la porte les ronflements de son père. Soulagement soudain de ne plus avoir à craindre de le voir débouler à nouveau, de ne plus avoir à entendre ses cris. Elle avait envie d'appeler sa mère, de la supplier de venir la délivrer. Elle espérait tant entendre la porte s'ouvrir et la voir s'approcher pour la prendre dans ses bras. Mais rien ! Elle ne voyait rien, elle n'entendait rien jusqu'à ce qu'elle perçoive entre les ronflements de son père, un léger grognement. Sa mère, elle aussi, s'était endormie.


Cela fait maintenant plus de vingt minutes qu'elle attend. Elle voit défiler les visages et ces corps déformés par la vie. Elle comprends qu'elle n'aurait pas du venir ce jour là parce que c'est le jour où ils reçoivent leurs allocations, parce que c'est le jour où ils vont pouvoir manger un peu de viande, boire un coup avec les copains au bistrot du coin et jouer leur petit loto. Elle le sait mais pourtant, elle est venue parce que de toute façon, elle n'avait rien d'autres à faire, comme tous les autres jours d'ailleurs.

Alors qu'elle scrute l'affichage électronique sur lequel défilent très lentement les numéros d'attente, elle l'aperçoit. Il se tient près de la porte d'entrée, droit comme un piquet, fier comme un coq. Il semble grommeler quelques mots à une dame qui le suit de près, puis il s'avance.
Il tente de trouver une place assise et se fâche contre un monsieur car son chien s'est couché juste devant le siège libre. Enfin il réussit à s'assoir tout en continuant à baver quelques mots dans sa barbe. La dame reste debout, non loin de lui.

Elle se lève, et s'approche. C'est bien lui ! Oui lui ! Celui qui lui a tout volé, celui qui l'a assassiné, qui a fait voler en éclat son enfance et ses rêves. Il est là, devant elle, assis la tête baissée, le regard dans ses godasses. Elle a envie d'hurler, de lui cracher à la face toute sa haine, de crier au monde sa colère contre cet homme qui lui a tout pris. Mais elle reste là, debout, immobile sans qu'aucun mot ne puisse sortir. Puis il relève la tête, la regarde fixement un moment avant de lui demander :

- j'vous connais ?

Elle balbutie un « non » puis s'en retourne s'assoir à quelques sièges de lui.

Toute sa vie durant elle avait attendu ce jour, ce moment où elle aurait pu déverser toute sa haine sur ce type. Elle avait espérer le croiser au hasard et enfin assouvir ses désirs de vengeance. Et elle se retrouvait là, assise à quelques pas de lui, pétrifiée de peur, telle la petite fille abandonnée sur le pas de la porte, le regard tourné vers le mur et les mains sur la tête obéissant à ce père tyrannique. Perdue dans sa douleur, elle n'entends même pas l'appel de son numéro. Mais elle sursaute en entendant un nom, le sien, enfin celui qu'elle portait avant, celui de sa naissance, avant l'hôpital, avant le foyer et avant les familles d'accueil. Elle voudrait fuir, partir, s'effacer et courir, courir, courir pour retrouver ce lac et y noyer tous ses souvenirs, toutes ses douleurs et ses peines. Mais elle reste là immobile et elle n'attends plus rien, pas même une voix et des bras réconfortant parce qu'elle sait que jamais plus elle ne viendra.


Elle entends à présent un bruit diffus de sirènes et une voix lointaine lui demandant son nom. Elle ne se souvient plus, elle ne sait pas, elle a oublié. Et elle ne se rappelle plus non plus de ce qui s'est passé ce jour là, le jour de ses 8 ans quand son père est rentré totalement ivre à la maison et qu'il l'a emmené dans sa chambre pour lui offrir son cadeau. Elle ne se souvient plus de la douleur, du sang sur les draps et des insultes de son père. Ce qu'elle sait, c'est que c'est cette nuit là qu'elle s'est évanouie, évaporée et qu'à son réveil quelques jours plus tard, elle n'avait plus de nom.

Alors, peut-être qu'un jour...




Photo : Sophie.P

Si les hommes se taisaient pour mieux entendre rire
ces enfants de misère, qui ont vécu le pire
S'ils admettaient qu'enfin, leurs erreurs les tuent
en répétant sans fin, une guerre perdue.
Ils comptent leurs ancêtres, tombés au champs d'horreur
et ramassent des bouts d'êtres, pétrifiés de terreurs
Ils récitent par cœur, l'histoire de leurs ainés
celle d'un père ou d'une sœur, qu'ils ont vu condamné
Mais rien ne les dissuade, de calquer ce chemin
et rien ne les persuade, de changer leurs demains
pas même leurs enfants, bercés à coup de bombes
qui lorsqu'ils seront grands, vivront cerclés de tombes
Si les hommes se taisaient, pour mieux entendre hurler
de la haute falaise, ces femmes déchirées
S'ils admettaient qu'enfin, leurs erreurs nous usent
en n'écoutant jamais, nos espérances qui fusent
alors, peut-être qu'un jour...